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Cela prendra dix-huit mois à l’arbre de cacao que nous voyons sur la photo, pour commencer à donner ses premiers fruits. Encerclé par d’autres arbres de cacao et a l’ombre de certaines palmes, ce plant fut semé en juillet 2015 dans la plantation Diosconmigo, où Daniel Carei fut élevé par ses arrières grands-parents. A quatre heures de route en contre bas, on arrive à Mingueo, le village le plus proche. Dans cette colonie de la Guajira, traversée par la route entre Santa Marta et Ríohacha, l’APOMD, (Association des producteurs Biologique de la Municipalité de Dibulla) qui réunit les agriculteurs et les producteurs, en compagnie de Slow Food, cherche à sauver les semences natives connues telle que le cacao porcelaine. Il s’agit d’une variété originaire de la Sierra Nevada de Santa Marta dont l’habitat naturel se trouve au-delà de 200m au-dessus du niveau de la mer. Elle pousse près des sources d’eau, protégée par l’ombre des autres arbres et son tronc peut monter jusqu’à cinq mètres de hauteur à la recherche de lumière. Le cacao blanc ou criollo, est d’avantage rependu sur les terres indigènes. Sa fragilité et son temps singulier de fermentation, requière un processus artisanal, qui n’attire pas les gros producteurs de cacao industriel.
La majorité des variétés de cacao semées dans cette région du pays son vendues à la Nacional de Chocolates et proviennent de graines clonées. Des graines créées dans les laboratoires et introduites dans la région par Daabon, entreprise connue pour être impliquée dans des déplacements forcés et pour ses monocultures de palme africaine.Ces graines clones sont vendus aux agriculteurs dans un lot technologique qui requiert l’utilisation de produit chimiques et d’engrais qui modifient l’écosystème naturel de la région. A cela on ajoute le dommage causé sur la biodiversité par le fait que les paysans pratiquent la monoculture. Mais ceci n’est qu’une petite partie du chemin parcouru par le cacao industriel. Il ne s’agit pas seulement du producteur des graines clonées mais aussi d’une sélection de graines laxiste. Les processus industriels s’attachent d’avantage à la quantité qu’à la qualité, les variétés sont mélangées sans scrupule au moment de la récolte. Une fois que les graines ont fermenté plusieurs jours puis séchées, elles sont passées à la toasteuse sans tenir compte des différentes tailles. Les petites graines brûlent, les grandes ne sont pas assez toastées et ainsi elles sont moulues toutes ensembles pour former une pâte. La pasilla ou la bagasse est exclue du processus artisanal, alors que dans le processus industriel elle est inclue.
A ce stade, déjà très loin de la saveur et de l’arôme originel du fruit, si nous ajoutons les divers conservateurs et aditifs généreusement ajoutés par l’industrie (chocolate light, instantané, saveur vanille, clou et cannelle…) cela mériterait de se demander quel est le pourcentage de cacao qu’il y a dans le chocolat que nous achetons.
Sont également innombrables les détails de l’histoire de la récupération du cacao porcelana. A t’il survécu grâce au manque d’importance commercial pour les industries chocolatières? A t’il survécu grâce au régime familial indigène, qui pendant des années l’ont inclus dans leurs préparations artisanales ? La Malanga, la guatila et le chachafruto sont d’autres exemples de fruits natifs qui n’ont pas une valeur commerciale importante et qui pourtant, sont des sources nutritives de grande qualité. Trois ans se sont écoulés depuis la première trouvaille de l’APOMD et le Slow Food à Dibulla. Pour Yarido Banquez, vice-président de l’association, ce fût très significatif, non seulement de sauver la semence mais aussi les formes traditionnelles de culture. Les pratiques telles que générer des engrais organiques, prêter attention aux étapes de la lune, varier les cultures et semer en triangle pour protéger la terre, en peu de mots : un type d’agriculture dans laquelle s’observe et s’applique ce que la nature elle-même fait depuis des siècles. Au-delà des difficultés produites par la pénurie d’eau provoquée par le phénomène El Niño, le plus difficile selon Yarido c’est de semer la foi auprès des autres cultivateurs. Les mauvais résultats des entreprises étatiques et privées antérieures, ont généré de l’incrédulité chez les agriculteurs. Ce n’est pas facile de les convaincre de s’unir dans un processus qui implique du temps et de la persévérance.Ces producteurs de cacao sèment sans savoir s’ils verront les fruits. L’histoire du territoire leur a enseigné que tout peut changer en dix-huit mois. Ils pensent que la meilleure façon de construire la paix en Colombie est de reprendre les savoirs transmis par leur ancêtres. Certains d’entre eux étaient indigènes Arhuacos, aujourd’hui ce sont des agriculteurs conscients des conséquences néfastes de la révolution verte. Ils cherchent à affronter une économie qui les rend esclaves et qui génère des aliments qui enveniment la campagne. Ils choisissent alors en conscience les semences, ce qui révèle leur intention de se libérer et de libérer la terre.